Régulation du lynx : le Centre Athénas dit NON au Préfet


Comme toutes les décisions susceptibles de provoquer des réactions, celle-ci est passée très discrètement, le 12 juillet dernier : Le Préfet du Jura a validé par arrêté le Schéma Départemental de Gestion Cynégétique pour le Jura. Le problème avec ce document, c’est qu’il parle ouvertement de programmer la régulation de grands prédateurs, et l’évolution du statut de protection du lynx. Monsieur le Préfet, avez-vous oublié que ce genre de décision ne relève pas de votre compétence ? Le lynx est en effet une des espèces non « décentralisées », de compétence ministérielle. Il est également protégé par un arsenal législatif et réglementaire européen, en particulier la Convention de Berne, auquel la France doit se conformer.


Dans leur souci de plaire au lobby de la chasse pour faire écho aux amitiés présidentielles, les services de l’État oublient-ils que le lynx est une espèce strictement protégée, de surcroît menacée, comme cela a été rappelé lors de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) réalisé par l’IUCN (International Union for Conservation of Nature) et le Muséum National d’Histoire Naturelle ?

Nous avons donc introduit un recours gracieux auprès du Préfet du Jura pour lui demander de retirer cet arrêté. Nous espérons qu’il prendra la bonne décision dans le sens de l’intérêt général et pour la conservation du lynx et de son statut d’espèce protégée. S’il ne le fait pas (il est vrai que ce printemps il a qualifié les associations environnementales de fléaux à combattre), nous nous réservons la possibilité de poursuivre notre action devant la juridiction administrative pour obtenir l’annulation de cet arrêté.


Contexte

Pour mémoire, la Fédération des Chasseurs du Jura a initié un projet nommé Programme Prédateur Proie (PPP), dont le fondement consiste à capturer 10% de la population de lynx tous les ans pendant 10 ans pour l’équiper de collier GPS (et renouveler les colliers) afin de comparer le prélèvement des chasseurs à celui du lynx, et en engrangeant au passage des subventions. Ce projet, à fins purement cynégétiques, et dont toute action de conservation est absente, jugé dangereux pour l’espèce et non concerté, a reçu à deux reprises le veto du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN). Pourtant, il reçoit depuis plus de deux ans le soutien éhonté de l’ensemble des services de l’Etat, qui, passant outre l’avis des scientifiques et des connaisseurs de l’espèce, cherchent à l’imposer dans le PNA lynx (Plan National d’Action commandé par Nicolas Hulot juste avant sa démission). Une haute fonctionnaire du Ministère de l’Ecologie a même clairement annoncé la couleur en réunion devant 40 acteurs associatifs : « si vous voulez proposer des actions au PNA, il faudra transiger et accepter le PPP ».

Très prochainement, début octobre, la DREAL Bourgogne Franche-Comté organise une réunion pour peindre le PPP en vert à fleurs roses. En clair, des agents de l’administration en charge de l’Ecologie se donnent un mal de chien et déploient un zèle incroyable pour défendre le projet des chasseurs, honni par la totalité des autres acteurs, en utilisant la carotte (aides financières) ou le bâton (pas d’aides financières). Exemple, la Fédération des chasseurs du Jura s’est vu attribuer une subvention de 30 000 € pour ce projet non autorisé (captures de lynx). A notre question sur la redistribution de cette somme (en théorie ) non utilisée, il nous a été répondu que ce n’était plus disponible pour le lynx. Peut-être ne sommes nous pas assez lisses ?

Ainsi, toutes les opérations de sauvetage, capture d’orphelins, interventions pour prise en charge d’adultes accidentés, soins vétérinaires, relâchers, achat et pose de colliers GPS, suivis de terrain, sensibilisation et information de la population (autre obligation relavant de la convention de Berne) mises en place au niveau national et assurées par notre structure seule, ne reçoivent de l’Etat que 7 500 € par an, soit moins de 10 % des dépenses encourues par notre association pour le lynx.


A l’heure où l’on parle de disparition massive des espèces, d’urgence climatique, de nécessaire réorientation des priorités, on continue les petits arrangements entre personnes de bonne compagnie, pour satisfaire des besoins catégoriels très éloignés de l’intérêt général.

Une fois encore, nous mettons les pieds dans le plat, mais sommes hélas bien seuls. Nombreux sont ceux qui préfèrent se taire pour bénéficier des miettes du festin cynégétique. Ne rien faire, c’est laisser faire.

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