Braconnage de lynx : l’escalade

Six jeunes lynx orphelins accueillis au Centre en 20 jours, un septième et peut-être un huitième encore recherchés, 4 femelles adultes disparues, c’est la fête chez les braconniers. Nous atteignons le niveau critique de 2015. La perspective de la régulation promise par les dirigeants cynégétiques depuis 30 ans, l’engagement de l’État dans ce sens font que les tireurs illégaux perdent toute retenue. En 10 ans, une seule procédure est arrivée à son terme. En 2018, une dénonciation explicite et non anonyme pour destruction de lynx dans le Doubs, indiquant l’endroit où était le cadavre a été classée sans suite faute d’éléments de preuve : le dossier transmis par nous au parquet a été traité 6 mois plus tard, le cadavre avait entre-temps disparu ! En 2017 dans le Doubs toujours, une autre affaire bâclée a été classée sans suite pour vice de procédure : le prévenu avait été enregistré à son insu… Tant que les pouvoirs publics et les élus seront à la botte des chasseurs, tant que le braconnage sera nié ou minoré par l’État, tant qu’il ne sera pas combattu avec les moyens et la détermination requis, tant que les magistrats ne seront pas sensibilisés à cette problématique, tant que les braconniers connaîtront l’impunité, le lynx sera menacé.


Seloncourt (25), 2 individus de la même fratrie observés dans le courant du mois d’octobre. Une jeune femelle très amaigrie est finalement capturée par notre équipe, mais ne survivra pas, victime d’une infection respiratoire contractée par blessure thoracique avant sa capture. L’autre individu encore observé début novembre n’a plus donné signe de vie. La femelle capturée le 26 octobre avait jeûné durant une période estimée à 20 jours.


Paroy (25) fin octobre, juste 20 jours après qu’une femelle ait été vue avec ses jeunes à 5km de là, 3 jeunes amaigris se réfugient près d’un élevage de poules pondeuses, alors qu’alentour une battue fait rage. Poursuivis par les chiens patous gardant l’élevage, ils grimpent dans un tilleul. Nous capturerons en trois jours les trois individus à demi morts de faim. Deux d’entre eux succomberont au typhus quelques jours plus tard. L’un des jeunes avait une fracture à une patte datant d’environ 20 jours.


Bellegarde (01) début novembre, un jeune lynx maigre et peu fuyant déambule dans la zone industrielle d’Arlod une semaine après qu’un autre jeune isolé ait été signalé dans la commune de Villes, voisine de 2 km. Nous le capturons rapidement grâce au signalement rapide de la société PXL où il passait la majorité de son temps, caché dans un bâtiment désaffecté. Il s’agit d’un mâle, là encore, très maigre, dont le poids de 5kg au lieu de 8 à cet âge indique un jeûne d’une durée de 20 jours.


Avec le jeune des Planches en Montagne (39) capturé amaigri par nous 15 jours après l’observation en plein jour de 3 jeunes isolés au même endroit, cela porte à 4 le nombre de fratries identifiées comme orphelines. Il s’agit de 4 portées entières dont la mère a disparu, contrairement à ce que tentent de faire croire certains agents de l’État qui, peut-être pour masquer leur absence de résultats dans la lutte contre le braconnage, ou peut-être pour honorer leur allégeance au lobby chasse, nous accusent publiquement « d’enlèvement abusif de portée », de « sauvetages contre nature » ou encore mettent en cause nos protocoles ou veulent « redéfinir la notion de lynx en difficulté ». Non contents de discréditer leur fonction, et de ne pas respecter leur devoir de réserve, ils font le jeu des braconniers.


Tous ces jeunes signalés et capturés ont en commun d’être des fratries entières séparées de leur mère dont plus aucune trace n’est observée. Tous se rapprochent des activités humaines entre 2 à 3 semaines après la disparition de leur mère. Tous étaient en bonne santé avant d’être orphelins et s’ils contractent des maladies, c’est parce qu’affamés et donc immunitairement affaiblis, ils se rapprochent des habitations et des chats domestiques et de leurs pathologies. Partout ailleurs en Europe, l’apparition de ces jeunes près des activités humaines est attribuée au braconnage. Il ne s’agit pas, comme certains le prétendent, de jeunes faibles abandonnés par la mère et faisant les frais de la sélection naturelle. La mortalité juvénile normale se produit dans les forêts, loin des habitations. Affirmer que les lynx orphelins sont des jeunes abandonnés est méconnaître totalement l’espèce et l’attachement des mères pour leurs jeunes, attachement renforcé par l’ocytocine (« hormone de l’allaitement »), et c’est faire le jeu de ceux qui prétendent l’espèce abondante et veulent obtenir son tir, c’est défendre l’indéfendable et poursuivre des buts peu honorables.


Fontenu (39), mi novembre, un squelette de lynx est découvert dans un gouffre par le Spéléo club Sanclaudien, l’arrière du crâne éclaté. Qui d’autre qu’une personne ayant braconné un lynx peut avoir intérêt à aller le cacher dans un gouffre ? Qu’est-ce qui peut provoquer la pulvérisation de l’arrière de sa boite crânienne, alors que le reste du squelette est « intact » ? Cette découverte n’est pas une surprise, elle rend un peu plus visible et tangible ce que beaucoup s’appliquent à dissimuler et à nier.


La population française du lynx boréal est menacée : au moins 5 collisions routières durant le mois écoulé, dont 4 mortelles, une dynamique figée, avec une surmortalité d’adultes et une aire de présence en régression ou stagnation, des problèmes sanitaires et génétiques émergeant.


Malgré tous ces signaux, les pouvoirs publics continuent à nier et minorer le braconnage en le prétendant 3 fois moins important (10% des cas de mortalité contre 30%) que dans tous les autres pays d’Europe, pays où la proportion de « premiers écologistes » armés est pourtant notoirement inférieure à celle de la France. Mieux, ils s’accoquinent avec les Fédérations de chasseurs. Leur projet commun, toujours d’actualité ? Faire passer en force le Programme Prédateur Proie (PPP) dans le Plan national d’action lynx en cours d’élaboration). Le PPP, initié par les chasseurs est un programme dangereux et décrié par toutes les personnes et organisations soucieuses de la conservation du lynx. Il s’agit d’une aberration selon laquelle les chasseurs projettent de capturer 10% de la population du lynx pour l’équiper de colliers GPS dans le seul but de démontrer que sa consommation de chevreuils justifierait son tir… et de re-capturer ces individus tous les ans pendant 10 ans pour renouveler les colliers. Ce projet ferait ainsi courir un risque insensé à cette population.

Depuis 3 décennies, la Fédération des Chasseurs du Jura réclame un plan de chasse au lynx. Cette revendication constante et toujours actuelle, qui incite des Simplets (nom d’un braconnier, président d’une ACCA condamné en 2011) à passer à l’acte, semble ne pas déranger la DREAL Bourgogne Franche-Comte ni le Préfet du Jura, qui continuent dans un bel ensemble, d’imposer ce programme refusé deux fois par le Conseil National de Protection de la Nature (instance consultative du Ministère).

Nous nous opposerons par tous les moyens à cette ignominie contraire à l’intérêt général. Malgré le boycott administratif, malgré les tentatives de nous incriminer, de mettre en cause notre crédibilité, malgré la tentation qu’ont certains de nous retirer notre habilitation de capture, solution évidente pour faire disparaître les dommages collatéraux du braconnage.


NE RIEN FAIRE, C’EST LAISSER FAIRE.


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